Bonjour et bienvenue dans, les interviews de Stéphanie pour le site Steph culture.
Aujourd'hui, j'ai le plaisir d'interviewer Christina Éthanie pour son livre L'APPEL du SILENCE.
Née en 1980, Éthanie est issue d'une famille nombreuse, de la classe ouvrière. Élevée par un père maçon et une mère au foyer, elle grandit dans une modeste cité HLM, d'une petite ville de Bourgogne… En quête de repères affectifs solides, qui lui ont tant fait défaut étant enfant, Éthanie tente de se recomposer une vie en s'identifiant aux personnages de séries. Mais sa jeunesse formatée la pousse vers tous les extrêmes. Elle multiplie alors, les relations à sens unique et destructrices, au risque de s'y brûler les ailes. Aujourd'hui, âgée de 35 ans, Éthanie s'est réalisée malgré les stigmates de son passé ! Épanouie, cette jeune femme à la personnalité rayonnante vit désormais, la vie qu'elle a choisie…
"Ces souvenirs cruels et dérangeants, presque insupportables, de la détresse et la violence d'une vie mal commencée ne m'ont pas empêché de m'épanouir. Je continue d'affronter les épreuves du temps. Je cherche la liberté dans l'écriture mais je cherche aussi des lecteurs ! J'écris pour partager... Mes livres forts et sans concession peuvent heurter le public tout autant que le captiver !"
Christina Éthanie bonjour, Merci de répondre à mes questions :
Q.1/
S.M : Quand avez-vous décidé d’écrire ce livre autobiographique ?
E.C : J'ai décidé de raconter mon histoire en 1995. Lorsque le calvaire dans lequel j'ai vécu, a pris fin. Ce jour, où la vérité a éclaté. J'ai alors 15 ans et demi. Il est donc temps pour moi, de faire peau neuve.
Q.2/
S.M : Peut-on dire que c’est un livre qui vous a servi de thérapie ?
E.C : Oui. Comme je l'explique dans l'avant-propos, «Écrire est un moyen de se libérer !» Pouvoir s'exprimer. Parler sans être jugée. Ce livre m'a permis de trouver les réponses aux questions que je me suis longtemps posées ; qui m'avaient jusqu'à présent, empêchées d'avancer, et plus encore, empêchées de me construire. Poser enfin des mots sur mes maux. Une écriture qui, au fur et à mesure, m'a permis de comprendre le comment du pourquoi sans plaindre ni accuser qui que ce soit. J'ai mis des années pour tout coucher sur le papier. Je m'y suis reprise plusieurs fois. Même s'il a fallu tout recommencer, je n'ai jamais abandonné !
Q.3/
S.M : À quel âge votre père a commencé à vous violer ?
E.C : Lorsqu'il a commencé, ses premiers mots ont été «On fait joujou !» J'ai 7 ans.
Q.4/
S.M : Vous rendiez-vous compte de ce qui se passait ?
E.C : J'ai souvent entendu dire que 7 ans, c'est l'âge de raison. Pour quelle raison ? 7 ans, c'est l'âge où l'on commence à se souvenir. Le cerveau enregistre ce qui se passe mais il n'a pas la maturité pour raisonner au-delà de l'éducation ni de la manière dont les parents doivent élever leur(s) enfant(s). À cet âge, l'enfant comprend seulement que "joujou" veut dire jouer, comme jouer à la poupée et non, servir de jouet. Encore moins, lorsque c'est un adulte qui lui, a passé l'âge… Avez-vous vraiment conscience de ce qui est contre nature, spécialement quand c'est votre père qui s'en rend coupable ? Je sentais que cette relation entre un père et sa fille n'était pas normale. Mais comment savoir quand personne ne vous apprend la différence entre ce qui est bien et ce qui est mal ?
Q.5/
S.M : Pourquoi personne n’a pris votre défense alors que votre mère ne travaillait pas et que peut-être vous aviez des frères et sœurs plus âgés ?
E.C : Nous étions cinq. Ma sœur aînée Laëtitia, moi, ma sœur cadette Élodie, âgée de 3 ans de moins que moi, et mes deux petits frères. Comme pour la plupart des enfants en pareil cas, mon père incarnait l'autorité. Quel que soit ce que nous subissions, il était notre père… Ma mère était prisonnière entre le diktat et la violence de son mari, et le comportement normal d'une mère.
Q.6/
S.M : Pourquoi ne pas en avoir parlé à quelqu'un ou avoir appelé un numéro d'appel au secours comme il en existe ?
E.C : Quand vous n'avez pas de repères, tous les adultes sont potentiellement des pervers. Et puis, je ne voulais pas porter la culpabilité de faire exploser la cellule familiale. D'une certaine manière, à l'adolescence, je me sentais coresponsable de ce qui se passait. Pour lui, c'était un vice, pour moi, c'était hormonal.
Q.7/
S.M : Pensez-vous que c’est votre catégorie sociale qui a provoqué cela ?
E.C : Une étude parue dans le Figaro, il y a quelques années, affirmait que toutes les catégories sociales étaient concernées par ce fléau. Elle citait aussi un chiffre qui fait froid dans le dos : 3% des français déclaraient avoir été victimes d'inceste. Que pouvons-nous faire pour empêcher que cela se produise ? Que faisons-nous pour dénoncer les coupables ?
Q.8/
S.M : Votre père vous a-t-il dit pourquoi il vous violait ?
E.C : Y a-t-il une réponse à cette question ? Rien ne peut le justifier de toute façon… Quand je lui ai demandé pourquoi il faisait ça, il m'a répondu que j'étais sa préférée ! C'est dérisoire comme réponse, vous ne trouvez pas ?
Voici l’avant-propos du livre l’appel du silence par Christina Éthanie :
Une petite fille de douze ans vit dans un foyer depuis quelques mois. Elle se maquille et s'habille de couleurs gaies. Ses tenues sont un peu provocantes et la musique qu'elle écoute parle de sexe. Des semaines passent et son comportement reste le même. Est-ce que des questions se posent ou pas ?
Un jour, elle reçoit la visite de son père. Dans cette maison, des enfants jouent et rient. Pour les laisser seuls, l'endroit libre est la salle à manger. Une adolescente entre pour prendre un fruit. À peine a-t-elle franchi la porte que le silence règne dans la pièce. Plus un mot ne sort de leur bouche. L'adolescente fixe le père d'un regard noir puis la petite fille d'un regard inquiétant. Cette situation lui semble anormale.
Et son résumé :
Éthanie s'est longtemps tue. Huit années durant. Cette faute, dont elle n'était pourtant pas responsable, l'a laminée, étranglant ses cris et empêchant ses mots de sortir. Sa rage, elle la couvait dans ses yeux d'enfant tantôt fuyants, tantôt farouches. Parfois, elle la laissait s'exprimer dans des accès de violence, dans un déferlement de coups portés aux adultes, aux éducateurs ou à ses camarades. Car seule la brutalité quasi animale était à même de faire entendre et ressentir aux autres ce désastre intérieur et physique, ce dégoût de soi inspiré par un père incestueux. Aujourd'hui apaisée, Éthanie peut parler.
Quand on lit l’avant-propos on se pose pleins de questions :
Q.9/
S.M : Vous parlez d'une jeune fille aux tenues provocantes en « compagnie de son père ». De qui s'agit-il ?
E.C : Dans cet avant-propos, je parle d'une fille qui devait avoir 12 ans et dont l'attitude m'a tout de suite interpellée. Elle portait des mini-jupes, des hauts moulants, se maquillait et, surtout, elle écoutait des chansons au contenu explicitement sexuel. C'était aux antipodes de ma façon d'être ; moi, j'avais dans les 14/15 ans et j'étais plutôt réservée. Mais tout ça mis bout à bout m'avait alertée sur le fait qu'il se passait quelque chose… Lorsque je l'ai vue avec son père, mon intuition est devenue une certitude. Leur silence avait quelque chose de malsain que je connaissais trop bien. Quelques mois plus tard, ma conviction se révéla exacte, lorsqu'à la révélation de mon secret, elle est venue me parler de sa propre situation et a pu elle aussi, se défaire de sa prison.
Toute la difficulté à déceler les cas d'inceste est que les symptômes peuvent revêtir des formes différentes ; elle plutôt exubérante et extravertie, moi renfermée, discrète et agressive.
Q.10/
S.M : Vous avez passé une bonne partie de votre enfance dans un foyer, pour quelles raisons ?
E.C : Je suis arrivée à la "Maison d'Enfants" à mes 9 ans et demi. Dans mon esprit, c'est parce que je suis une petite fille coléreuse et révoltée. Mes parents ne m'aimant pas, ils ont alors décidé de me placer pour ne plus avoir à me supporter… Mais la réalité est toute autre : un jour, les voisins ont alerté les services sociaux à cause des cris incessants ; ce jour, où mon père m'a soulevée par les cheveux et m'a jetée par terre, à la suite de quoi, j'ai atterri à l'hôpital pour une fracture du pied.
Q.11/
S.M : Dans votre récit, vous racontez souvent vos accès de violence. Était-ce un exutoire par rapport à ce que vous viviez ?
E.C : Oui, c'était un défouloir pour extérioriser la haine, la colère, l'injustice et la frustration que je ressentais vis-à-vis de mon père, de ma mère et de mes propres pulsions.
Q.12/
S.M : Comment votre cauchemar a pris fin ?
E.C : C'est ma sœur aînée Laëtitia qui a révélé la vérité sur ce qui se passait pour éviter que ma petite sœur Élodie ne subisse d'autres sévices. Ses révélations à l'infirmière de son collège, nous ont conduites à la délivrance.
Q.13/
S.M : Votre père a été condamné par la justice pour ses actes. Aujourd'hui, lui avez-vous pardonné ou est-ce une blessure à vie ?
E.C : Pardonner ce n'est pas oublier mais savoir vivre avec. Aujourd'hui, j'ai choisi d'avancer et de ne pas me lamenter sur mon passé. Cette page de ma vie est désormais tournée !
Q.14/
S.M : Comme souvent en pareil cas, votre mère s'est rendue complice par son silence. Regrettez-vous que votre mère soit décédée avant la parution de votre livre ?
E.C : Non, elle a assez souffert et s'en est assez voulu de ne pas avoir su protéger ses enfants. Je pense qu'elle a choisi de se laisser mourir.
Retrouvez l'interview de christina Ethanie en avant-première sur le site
et sur tous les blogs et sites littéraires. Retrouvez prochainement, sur ce même site, l’interview de Christina Éthanie pour son livre «LA MÉMOIRE d’un cœur à L’ABANDON (Vol.1)».
S.M : En conclusion, y a-t-il un message que vous souhaiteriez passer ?
E.C : En premier lieu, je m'adresserais aux victimes. Il faut toujours espérer car tout peut se surmonter. Si vous ne pouvez pas parler, écrivez et n'hésitez pas à faire passer votre message aux bonnes personnes [éducateurs, maîtresses d'école, professeurs ou même votre meilleur ami(e)]. N'oubliez pas que vous êtes victimes et non coupables !
En second lieu, je m'adresserais aux adultes responsables que nous sommes tous. Forte de mon expérience, j'ai acquis la capacité de percevoir les signaux d'alerte, mais nous sommes tous capables de déceler des comportements déviants de certains adultes ou le mal-être de certains enfants. Il ne faut pas tomber dans la paranoïa et accuser sans certitude, mais au moindre doute, il faut accepter d'ouvrir les yeux, rester vigilant, savoir écouter et communiquer pour protéger les enfants qui ont besoin de notre aide !
Merci Christina Éthanie d’avoir eu la gentillesse de répondre à mes questions et j’espère que bientôt de nouveaux livres paraîtront.
S.M : En conclusion, y a-t-il un message que vous souhaiteriez passer ?
E.C : En premier lieu, je m'adresserais aux victimes. Il faut toujours espérer car tout peut se surmonter. Si vous ne pouvez pas parler, écrivez et n'hésitez pas à faire passer votre message aux bonnes personnes [éducateurs, maîtresses d'école, professeurs ou même votre meilleur ami(e)]. N'oubliez pas que vous êtes victimes et non coupables !
En second lieu, je m'adresserais aux adultes responsables que nous sommes tous. Forte de mon expérience, j'ai acquis la capacité de percevoir les signaux d'alerte, mais nous sommes tous capables de déceler des comportements déviants de certains adultes ou le mal-être de certains enfants. Il ne faut pas tomber dans la paranoïa et accuser sans certitude, mais au moindre doute, il faut accepter d'ouvrir les yeux, rester vigilant, savoir écouter et communiquer pour protéger les enfants qui ont besoin de notre aide !
Merci Christina Éthanie d’avoir eu la gentillesse de répondre à mes questions et j’espère que bientôt de nouveaux livres paraîtront.